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Tribune | Oui un territoire mais lequel ?

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Par Ilyes Bellagha *

Helmut Felber, dans son manuel de terminologie (1987), nous dit : « qu’il convient de se rappeler que tout travail terminologique devrait être fondé sur des notions (idée de quelque chose) et non sur des termes (ensemble de mots employés pour exprimer sa pensée.) ».

Ainsi, nos notions expriment notre conception du monde, que dire alors de la notion de l’aménagement du territoire qui est ridiculement traduit chez nous en arabe par « arrangement du terrain ».

L’aménagement du territoire en soi est une exception française mise en place depuis la grande reconstruction entamée d’après la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre de la reconstruction du pays dirigée par l’État. La politique d’aménagement du territoire fut consensuelle et jugée prioritaire jusqu’à la fin des années 70. Le ministre de l’aménagement du territoire était même qualifié de « Premier ministre bis » au début de la Ve République.  En 1981, l’apparition d’une politique régionaliste, avec la montée au pouvoir de la gauche en 1981, montre, s’il le faut, que, tout compte fait, l’approche centraliste et régionaliste dépend d’une idéologie du pouvoir à la commande.

Pour nous, nous ne sommes pas à ce niveau de disparité gauche/droite. Nous, nous avons simplement et cruellement une administration qui, avec sa découpe administrative, gère parfois et bloque souvent par une bureaucratie du fait que tout administrateur refuse de prendre une décision, ce qui lui permet de ne pas se mouiller dans un pseudo-pouvoir acerbe et qui balbutie. On reste ainsi face à un pouvoir de gestion d’un grand terrain et non d’un territoire, un fait qui traite un peuple comme un trousseau de sujets et non des citoyens.

Aujourd’hui, le projet du Président Kaïs Saïed serait-il un tournant dans cette politique de « l’arrangement du terrain » ? C’est selon (comme toujours) qu’on voit le verre à moitié plein ou à moitié vide.

La deuxième chambre de représentation des régions et des districts est-elle une vision de cette régionalisation ? De l’avis de son auteur, oui. Mais d’un autre côté, nous restons rationnellement négatifs et pessimistes. Ceci pour plus d’une raison. La plus importante est que nous arrivons toujours en retard d’un train en termes d’aménagement, d’autant qu’aujourd’hui, le débat entre centralité et régionalisation est désuet.

A présent, l’enjeu est de faire promouvoir toute région ou territoire par une des actions qu’est le marketing des territoires, qui, je l’avoue, est un concept libéral mais, comme tous les concepts de cette école de pensée, restent pragmatiques. Il faut au préalable approcher pour mieux comprendre ce qu’est le marketing territorial et ainsi peut-être saisir son fondement en tant qu’une réponse à ce qui nous intéresse.

Ce sont huit principes

– Ne pas confondre marketing d’entreprise et marketing territorial

– Identifier l’échelle géographique pertinente (qui peut être différente du découpage administratif)

– S’organiser et organiser la démarche

– Mobiliser les acteurs pour construire et agir

– Créer de la confiance

– Être transparent

– S’appuyer sur une stratégie économique territoriale

– Placer la satisfaction du «client» au cœur de la démarche

Le marketing territorial nous invite à une certaine modestie autant qu’une certaine fierté qui seront nécessaires à l’exercice de ce marketing.

Selon Laurent Davezies, professeur au Cnam (Conservatoire national des arts et métiers) et expert indépendant dans le domaine de l’économie territoriale, attirer des entreprises sur un territoire n’est pas suffisant pour faire baisser son taux de chômage et voir augmenter les revenus de ses habitants. Le développement d’un territoire réside aussi dans sa capacité à capter tous les types de revenus et surtout à faire en sorte que ces revenus soient bien consommés sur le territoire.

Chez nous et avec le slogan du Président Kaïs Saïed « Le peuple veut et sait ce qu’il veut » devient carrément un danger pour les régions, pour une raison bien simple : on ne doit pas gérer par l’affectif où chaque personne a tendance à mettre sa région au cœur de l’univers, alors qu’il faut, après un diagnostic, une realpolitik, une stratégie politique qui s’appuie sur le possible, négligeant les programmes abstraits et les jugements de valeur et rester avec le seul objectif qu’est l’efficacité.

Deuxième effet qui nous laisse flottant face aux désirs présidentiels : le taux de participation aux dernières élections législatives. Les résultats à l’échelle peuvent nous obliger à accepter le fait accompli. Les élections, « élections de proximités », sont une autre paire de manches. En effet, leur légitimité si issue d’un taux faible, la légalité souffrira de la formule incisive « qui est tu toi pour… ! ».

Aussi, un point qui peut faire avorter toute la politique d’un aménagement du territoire dans un pays est la culture d’appropriation bien caractérisée de l’espace. Peut-on avoir les équivalents des « Scic en France  (Société coopérative d’intérêt collectif) qui ont pour objet la production ou la fourniture de biens et de services d’intérêt collectif qui présentent un caractère d’utilité sociale » ? Ces sociétés risquent de réussir autant qu’elles risquent d’émettre des discordes entre les « sociétaires » d’une même région. Il est certes trop tôt pour en juger, mais celui qui ne connait pas l’histoire des années soixante, celle des coopératives, ne peut s’aventurer à prédire l’avenir sans prendre certaines précautions.

Aujourd’hui, on ne dispose d’aucune politique non seulement territoriale, mais générale. Le schème comme quoi on a un pouvoir d’un 25 juillet 2021 et de l’autre côté une opposition, nous mènera irrémédiablement vers une déroute politique. Car la politique est avant tout UN Politique où qui de gauche et qui de droite et peut-être du centre essayent d’apporter leur vision claire et applicable, une politique avec ces trois composants : le social, l’économique et le politique, qui en une seule terminologie, c’est l’Aménagement du territoire, un territoire où on doit bien vivre, exprimer sa citoyenneté et surtout le rêver, qui une une vision de partager son potentiel qui est, après le cocon familial, celui qui nous accueille.

En effet, nous parlons rarement de territoire. C’est paradoxal, car celui-ci est au cœur de notre culture. Parfois même sans qu’on s’en aperçoive. Poétiquement, nous portons toujours notre territoire en nous.

Le choix de la démarche participative est une expérience qui mérite d’être tentée.

Elle est loin d’être un discours populiste. Elle obéit à une connaissance, une démarche et une concrétisation. La démocratie participative a besoin d’un environnement préalable. Celui qui donne à une localité, une région ou un district, l’obligation de mettre en place votre démarche, où le choix des outils, est une étape importante.

En effet, les outils participatifs sont de véritables leviers vous permettant de mobiliser les citoyens autour de votre projet. Toutefois, veillez à choisir vos outils en fonction de vos objectifs et non l’inverse.

Ces outils sont :

L’analyse du jeu d’acteurs, une méthode interactive permettant de comprendre et d’analyser les jeux de pouvoir (ou d’influence) entre des acteurs liés par un enjeu donné, d’une façon rapide et efficace.

Une telle analyse est cruciale pour cerner le contexte socioéconomique et politique dans lequel un processus de prise de décision va se dérouler, ainsi que pour initier un dialogue avec les différents acteurs qui seront mobilisés ultérieurement dans des ateliers de concertation.

Un exercice de modélisation participative, une méthode permettant à un groupe de participants de développer, en commun, un « modèle ». Ce modèle correspond à la représentation que se fait le groupe d’une situation, d’un problème ou d’un système. En fonction de la question traitée, différents types de modèles peuvent être développés : lien entre acteurs, dynamique des ressources, liens acteurs-ressources, processus de transformation, etc. La force de cette méthode est de rassembler les participants autour d’un objet commun. Cet objet (le modèle) sert ensuite de base pour définir des objectifs, des alternatives, structurer des questions ou des problèmes.

Les jeux de rôles permettent de reproduire des situations problématiques existantes ou à venir avec un groupe d’acteurs et d’en explorer la résolution. Les participants sont placés dans une situation virtuelle de prise de décision, dans un environnement contrôlé et sans risque. Ils peuvent alors explorer des scénarios d’évolution, tester des solutions ou encore expérimenter de nouveaux modes d’interactions.

La facilitation de groupe, ou l’art et la science d’aider un groupe à atteindre ses objectifs de la meilleure façon possible. Le rôle du facilitateur peut s’apparenter à un catalyseur. Il accompagne et aide un groupe à atteindre ses objectifs tout en renforçant les relations entre les membres du groupe. Un bon facilitateur considère à la fois les besoins des individus, leurs relations et les objectifs communs que le groupe s’est fixés.

Evaluation du processus : dans un projet participatif, il est essentiel d’évaluer les résultats obtenus, mais il est tout aussi important de connaître la façon dont le processus participatif a été conduit. L’évaluation d’un processus participatif consiste à mesurer la qualité de ce processus et la perception qu’en ont les acteurs.

Ainsi, nous mesurons que « le peuple veut … » est un slogan vide, car il ne sait pas nécessairement ce qu’il veut. Ce qu’un peuple veut est un travail méthodique et pluridisciplinaire sous l’égide d’une administration ou d’un pouvoir local qui ne légifèrent plus, mais se contentent de faciliter.

On est dès lors face à un prêche pour qu’on ne dérive pas vers une mauvaise politique régionale qui aboutirait — Dieu nous en garde — à la dictature des légions obéissant à un maître à qui, petit à petit, on lui instaura le rôle du grand éclairé, le Omar Ibn Khattâb de nos jours.    

I.B.

(*) Président de l’association Architectes… citoyens     

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